Ce qui se passe actuellement au Royaume-Uni doit retenir toute notre attention. Le gouvernement travailliste de Keir Starmer, élu il y a un an sur la promesse d’un changement après quatorze années d’austérité conservatrice, est en train de trahir ouvertement les classes populaires et en particulier les personnes handicapées. Une réforme brutale des aides sociales vient d’être votée. En réponse, une mobilisation déterminée, construite par la base et sans illusion quant aux institutions, s’organise.
Cette lutte dépasse la seule question des prestations : elle est liée à un projet politique plus large, fondé sur la guerre, la militarisation, le contrôle social et le mépris de toute vie considérée comme "improductive". C’est dans cette dynamique qu’il faut aussi comprendre l’adoption récente d’une loi sur la fin de vie a été adoptée à la Chambre des communes le 20 juin 2025 et doit maintenant être examiné par la Chambre des lords, où des débats plus nuancés sont attendus.
Pensée non pas comme un droit, mais comme un moyen de gestion néolibérale des corps fragilisés.
Les personnes handicapées sont en train de dire non. Elles se dressent face à une logique de destruction sociale. Elles s’organisent et elles résistent. Et ce qui se joue là-bas entre puissamment en résonance avec la situation en France.
Le contenu de la loi : appauvrir, exclure, diviser
Adoptée par 335 voix contre 260 à la Chambre des Communes, la loi dite “Universal Credit and Personal Independence Payment Bill” prévoit un durcissement sévère des conditions d'accès aux aides sociales, en particulier le “Personal Independence Payment” (PIP), équivalent britannique de la PCH. Le texte impose désormais d’obtenir au moins quatre points dans un des éléments d’évaluation pour être éligible. Concrètement, cela signifie que des milliers de personnes, ayant besoin d’aide pour des tâches comme se laver, se déplacer ou préparer un repas, risquent de perdre leur allocation.
Le gouvernement prétend que le texte n’étant pas d’application rétroactive, les bénéficiaires actuels ne seront pas concernés. Mais le flou est total, les annonces se contredisent, et la menace plane notamment pour les personnes atteintes de maladies dégénératives ou de handicaps fluctuants. De plus, une différenciation injuste se profile entre anciens et nouveaux bénéficiaires, mettant en place un système à deux vitesses.
Ce projet repose sur une logique purement comptable. Il s’agit de “faire des économies” sur le dos des plus pauvres, tout en affirmant une autorité politique en affichant un visage dur, gestionnaire, prétendument responsable. Mais les personnes handicapées ne sont pas dupes. Elles voient bien que cette politique n’a rien de rationnel : elle est idéologique.
Répression sociale, militarisation politique
Le cynisme de cette réforme est d’autant plus insupportable qu’il s’accompagne d’un budget militaire en forte augmentation. Le gouvernement Starmer vient d’approuver l’achat de 12 avions de chasse capables de transporter des armes nucléaires, tout en s’engageant à porter les dépenses militaires à 5 % du PIB, soit plus de 30 milliards de livres. Voilà la vérité du “choix budgétaire” : l’argent existe, il est simplement détourné vers la guerre et le complexe militaro-industriel.
Dans ce contexte, le vote d’une loi sur la fin de vie — donnant aux malades incurables la possibilité d’accéder à une assistance au suicide dans des conditions strictes — ne peut pas être vu isolément. Si le droit de mourir dans la dignité peut être revendiqué, il devient profondément problématique quand il s’inscrit dans une société qui, dans le même temps, détruit les services publics, stigmatise les populations minorisées, et pousse les plus précaires vers la marginalisation.
Ce n’est pas le choix de mourir qui est ici en question, c’est le contexte qui rend ce “choix” suspect. Une société qui rend la vie invivable ne peut pas se prétendre libre quand elle légalise la mort assistée.
Une mobilisation par en bas
Face à cette attaque, la réponse vient du terrain. Le collectif Disabled People Against Cuts (DPAC) a mené une action symbolique forte dans le Parlement, un "die-in" où des militant·es se sont allongés au sol pour illustrer les conséquences mortelles des coupes sociales. D’autres collectifs comme Disability Rights UK ou Mad Youth Organise ont publié des communiqués clairs : ils refusent d’être divisés entre "bons" et "mauvais" bénéficiaires, entre ceux qu’on "protège" et ceux qu’on abandonne.
Les slogans sont explicites : “Cut war, not welfare” (moins de guerres, pas moins de protection sociale), “Poverty is a political choice” (nous maintenir dans la pauvreté est un choix politique), “There is only one thing to do with this bill: bin it” (une seule chose à faire avec ce texte : le mettre à la poubelle). Il ne s’agit pas de mendier des aménagements à la marge, mais de refuser l’ensemble de la logique d’appauvrissement et de contrôle. La colère est immense et profondément politique.
Elle s’inscrit aussi dans un front social plus large : les mobilisations contre le génocide en Palestine, le racisme, les violences contre les personnes trans+, la crise climatique et l’effondrement des salaires s’articulent entre elles. Un nouveau mouvement de résistance est en train d’émerger, qui refuse de hiérarchiser les luttes et cherche à construire des solidarités concrètes.
La France n’est pas à l’abri
Rien de ce qui se passe au Royaume-Uni n’est étranger à ce qui se prépare en France. Nous connaissons aussi l’obsession des gouvernements pour les “évaluations” et les “réformes” des prestations. Les attaques se multiplient contre les arrêts maladie, ainsi que les discours stigmatisants sur les bénéficiaires de l’AAH, les menaces de conditionnalité des aides, la prise en charge des affections de longue durée.
Nous voyons aussi une tendance inquiétante à l’autoritarisme social, à la surveillance numérique, au renforcement policier et militaire — tandis que les droits fondamentaux, notamment ceux des personnes handicapées, sont constamment affaiblis.
Handi-Social affirme donc avec force sa solidarité totale avec les militant·es du Royaume-Uni. Leur lutte est la nôtre. Nous appelons à nous inspirer de leur énergie, de leur détermination et de leur lucidité politique. Ce n’est qu’en nous organisant par nous-mêmes, sans attendre des partis ou des promesses électorales, que nous pourrons protéger nos droits et en conquérir de nouveaux.
Face à la guerre, au mépris, à la misère imposée, nous opposons la solidarité, la dignité, la lutte collective.
Contre les logiques de mort, organisons les solidarités de vie.
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